Installation Julien Beau & Arthur Zerktouni – Galerie des Lettres de la Sorbonne
Julien Beau
Cette création sonore est un voyage à travers le temps. En intercalant des langues et du folklore de nombreux pays du monde dans une musique électroacoustique, ce n’est pas simplement réutiliser des traces pour en faire quelque chose de différent ou de nouveau mais bien de tisser un lien entre ces cultures et leur héritage. Les sons électroniques, ces repères de la perception de notre époque contemporaine, sont quant à eux dans la continuité de ce qu’on appelle l‘hantologie résiduelle, c’est à dire faire coïncider le passé et le présent.
Arthur Zerktouni
Investir un couloir c’est donner du sens à l’éphémérité de la transition : prendre le temps de s’arrêter dans un lieu de passage, d’en apprécier les lignes et l’espace fuyants. Cependant, ici, ces fuyantes sont légèrement faussées, comme si une perspective plane était tracée à l’intérieur d’un volume, les plans se confondent, altérant ainsi notre déambulation d’habitude si rectiligne. Les cordes fluorescentes qui nous guident entrent dans un lent mouvement, elles plongent au ralenti au fond de ce couloir redessiné et nous mènent à la suite.
from
Archives de la Parole,
released October 4, 2014
INTERCAL est proposée comme une mission qui cherche à valoriser le potentiel de la Sorbonne, architecture et culture confondue, la programmation de l’événement réunira des artistes qui engageront un véritable dialogue entre le lieu, leur art et le public.
INTERCAL est un espace médian, une cartographie sonore et visuelle, à destination d’un espace cible. Le projet a pour ambition d’introduire les nouvelles pratiques émergentes, en lien avec les nouvelles technologies, au cœur de la Sorbonne. Prenant comme source d’inspiration la Sorbonne et son histoire, comme outils les nouvelles technologies de création numérique, et comme axe de travail « l’hantologie résiduelle* », les artistes invités, auront pour mission de créer des œuvres en dialogue avec un espace donné, de proposer une nouvelle lecture, appréhension, perception des lieux investis.
L’intervention consiste dans la possibilité de fixer le phénomène sonore, de le désarchiver et le restituer sous une autre forme. Les sons fixés comme parti pris des choses. Prenant pour matière principale « Les Archives de la parole* » et des enregistrements de discours effectués au grand amphithéâtre, ces matières seront manipulées et détournées selon les œuvres et espaces occupés.
Les arts numériques mobilisent aussi bien leurs artistes et leurs lieux de production/diffusion autour des questions de valorisation des pratiques à destination de tous. Parcours artistiques au sein de la Sorbonne, le propos d’INTERCAL est d’investir l’espace en sélectionnant des points d’ancrages qu’il valorise et met en scène, ces œuvres « hantologiques » agissent comme des médiums, contribuant à une nouvelle perception de l’histoire de la Sorbonne, proposant une nouvelle « relation » (artistique) avec son entourage contemporain, invitant le spectateur-auditeur à s’approprier ce lieu et ces spectres du passé.
* L’hantologie est un néologisme inventé par Jacques Derrida, et qui consiste en des œuvres qui se construisent à partir d’une trace en provenance du passé, et qui se manifeste dans divers domaines comme la musique, le cinéma ou encore la photographie, On parle d’hantologie résiduelle lorsque les compositions mélangent la matière première du passé avec des sons enregistrés dans le présent. La trace du passé se diffuse, voire disparaît presque, dans les nouvelles compositions.
* Les Archives de la parole Le 3 juin 1911, Ferdinand Brunot, linguiste et professeur d’histoire de la langue française à la Faculté des lettres de Paris, inaugure les Archives de la parole qu’il a créées au sein de la Sorbonne avec l’aide de l’industriel Émile Pathé. Ces Archives sont la première pierre d’un Institut de phonétique voulu par l’Université de Paris. Les Archives de la Parole se situent dans la perspective de l’histoire de la langue puisqu’il s’agit, grâce au phonographe, d’enregistrer, d’étudier et de conserver des témoignages oraux de la langue parlée.
La grande originalité des Archives de la Parole – s’inspirant en cela des Phonogrammarchiv de Vienne en Autriche – va être de produire et de créer ses propres archives sonores. Guillaume Apollinaire, Émile Durkheim, Alfred Dreyfus, etc., mais aussi nombre de locuteurs « anonymes » ou étrangers vont laisser le témoignage de leur voix aux Archives de la Parole. Trois cents enregistrements sont ainsi réalisés entre 1911 et 1914. Ferdinand Brunot lancera le projet d’un atlas linguistique phonographique de la France. Entre 1912 et 1914, cet atlas va connaître une ébauche de réalisation avec trois enquêtes de terrain. La première est menée dans les Ardennes franco-belges en juin-juillet 1912, dans le Berry en juin 1913, puis le Limousin en août de la même année.